Lorsque le mariage fut décidé, comme toutes les futures
reines de France, Isabelle de Bavière vint en France accompagnée
de sa nourrice, d'une amie et de quelques suivants. Comme il était
d'usage, la nourrice devait rester jusqu'aux noces et repartir dans
son pays d'origine, ce qu'elle fit.
Le mariage d'Isabelle et Charles VI en 1385 débuta sous de bons
auspices. Une fête splendide fut donnée dans la capitale
à laquelle de nombreux nobles étrangers assistèrent.
Isabelle conserva sa suite auprès d'elle. Confinée volontairement
en vase clos, elle n'apprit que tard à parler le français
et ne visita jamais les provinces. Soucieuse de se préserver
elle amasse des richesses et dote ses proches. C'est à l'occasion
du troisième mariage de sa meilleure amie Catherine l'Allemande
que fut organisé le bal des ardents à la suite duquel
Charles VI sombra dans la démence.
La guerre de Cent Ans bat son plein et le Grand
Schisme déchire la chrétienté occidentale.
Charles VI étant devenu fou, elle va présider à
partir de 1393 un Conseil de Régence, où siègent
les Grands du Royaume. Isolée politiquement — le pouvoir
est entre les mains des oncles du roi Charles VI —, pas préparée
à assumer la régence d'un pays comme la France, parlant
peu et mal la langue française, sans alliés à la
cour de France, elle reste en contact avec sa famille proche recevant
notamment en 1400 son père Etienne III et son frère Louis
VII de Bavière en 1402, qu'elle fait entrer à la Cour
de France. Manipulée par ce dernier, elle pille le trésor
royal pour son compte.
Dans ce contexte très difficile, face à des situations
quasi-inextricables, dont le déchirement de la famille royale
est le révélateur, on ne peut lui reprocher de s'être
montrée une piètre politicienne : le pouvoir réel
est partagé entre les ducs d'Orléans (Louis d'Orléans,
chef du parti des Armagnacs) et de Bourgogne (Philippe le Hardi puis
à la mort de ce dernier en 1404, Jean sans Peur). Pour autant,
elle n'est pas à la hauteur de la dignité qui lui échoit,
d'autres reines de France avant elle avaient su gérer des situations
aussi périlleuses dans des contextes aussi difficiles : Anne
de Kiev nommée régente pour le compte du futur Philippe
Ier, Blanche de Castille nommée régente pour le compte
du futur Louis IX.
Jean de Berry sert de médiateur entre les deux partis dont la
rivalité va augmenter progressivement, pour aboutir à
une véritable guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons.
La jeune reine de 22 ans soutient dans un premier temps le parti bourguignon
puis se rapprochant de Louis d'Orléans (les Bourguignons la soupçonnent
d'être sa maîtresse et accuseront le futur Charles VII d'être
leur fils adultérin) à la mort du duc de Bourgogne, soutient
le parti des Armagnacs. Jean sans
Peur, se sentant évincé du pouvoir, menace Paris en
1405 et fait assassiner le duc d'Orléans en 1407. Il entraîne
la révolte des Cabochiens pour prendre le pouvoir à Paris
en 1413.
Henri V d'Angleterre, roi d'Angleterre, profitant de ces troubles, avait
armé contre la France : il remporte la bataille d'Azincourt en
1415, véritable désastre pour l'armée française,
et s'empare de la Normandie.
Pourtant, consciente de représenter le pouvoir légitime,
Isabeau chercha avec son fils, le Dauphin Louis (qui meurt en 1415),
à unir les deux factions ennemies, mais elle échoua. Exilée
à Tours par les Armagnacs, elle se lia alors avec le duc de Bourgogne,
Jean sans Peur, qui la délivra. En juin 1416, elle séjourne
en compagnie de sa cour, chez Jean de La Haye, seigneur du Plessis-Picquet
(Plessis-Robinson), Trésorier Général des Finances,
jusqu'au 5 juillet 1416. Ce seigneur influent sur la reine lui fit prendre
pour confesseur un parent: Guillaume de La Haye. À la fin de
1417, elle organisa à Troyes un gouvernement étroitement
contrôlé par les Bourguignons.
Jean sans Peur
est assassiné lors d'une entrevue avec le Dauphin Charles au
pont de Montereau le 10 septembre 1419, par des hommes de mains des
Armagnacs qui craignent un rapprochement du Dauphin avec les vues politiques
bourguignonnes.
Henri V s'alliant, par le traité de Troyes (1420), avec la reine
Isabeau et le jeune duc de Bourgogne, Philippe le Bon qui voulait venger
le meurtre de son père, se fait reconnaître comme héritier
du trône et régent, après avoir épousé
Catherine, fille d'Isabeau et de Charles VI. Ce dernier conserve néanmoins
le titre de roi de France. Son dernier fils vivant (le futur Charles
VII de France) est renié dans le traité comme "soi-disant
dauphin de Viennois", qui précise "en raison de ses
crimes énormes". Charles installe à Bourges un gouvernement
armagnac et contrôle environ la moitié Sud du royaume.
La reine Isabeau avait essayé de négocier avec Henri V
sur des bases différentes de celles du duc de Bourgogne, mais
en vain ; elle se résigna donc à la solution de ce dernier,
qui instaurait le principe d'une double monarchie, franco-anglaise,
au profit du roi d'Angleterre. En 1422, la mort successive de Henri
V puis de Charles VI rendait cette "double monarchie" difficile
à mettre en place, le nouveau "roi de France et d'Angleterre",
Henri VI (petit-fils d'Isabeau) n'ayant qu'un an.